Une confession émue et joyeuse, un hommage aux générations disparues des années 1939-45.
Mêlant fiction hollywoodienne, archives privées, souvenirs d'enfance et récital de chansons.
Seul en scène interprété et écrit par Pierre Méchanick
mis en scène par Laurent Lévy
Salomon Abramovski Roi d’Angleterre, est une pièce à plusieurs voix.
Elle fait entendre, d’une part, la voix de mon grand-père maternel, Salomon Abramovski, dit Salem, par le biais d’une correspondance à son épouse, Thérèse, ma grand-mère. Une liasse de vingt cinq cartes postales, visées par la censure, écrites depuis le camp de Drancy, à la fin du mois d’août 1941, dont cinq lettres depuis le camp de Compiègne Royallieu, jusqu’à l’acte de disparition, le 5 juin 1942, au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Salomon Abramovski, matricule 38183, déporté par le convoi n°2, décède un mois après son arrivée. A cette période-là, les chambres à gaz n’existaient pas encore. Dès lors, on peut tout imaginer : Liquidation par balle, typhus, épuisement, suicide, évasion ratée, n’importe quoi d’autre.
C’est, d’autre part, la voix des générations nées après la seconde guerre mondiale, c’est- à-dire la mienne, qui, par faute de transmission ont eu, pendant leur enfance, une idée très approximative de l’extermination des juifs et, par extension, de la culture juive, tout court.
C’est aussi, par une certaine impersonnalité esthétique, le récit du film « Ivanhoe » de Richard Thorpe (1952), où la seule présence de Rebecca, jouée par Elizabeth Taylor, suffit à déplacer le souvenir d’un judaïsme hollywoodien vers un fétichisme fantômatique mais salvateur. De même que les dessinateurs et scénaristes new-yorkais inventèrent les super-héros pour sauver à distance les juifs, je peux imaginer me réincarner en Ivanhoe, pour sauver, par la fiction, non seulement Richard Cœur de Lion mais aussi mon grand- père des griffes de l’hydre nazi.
C’est enfin la voix chantée du répertoire si caractéristique des chansons yiddish rapportée à cette judéité et à cette filiation imaginaire et incomplète.
Salomon Abramovski, d’une nature résolument optimiste, sans jamais céder au désespoir, a t-il eu conscience d’un destin commun ? Il écrit dans sa dernière lettre : « Je m’en vais avec confiance et espoir avec tous mes bons camarades qui sont des frères (...) Nous partons comme des honnêtes travailleurs qui seront largement payés de leur travail ». Richard Cœur de Lion, n’aurait- il pas conquis le trône d’Angleterre avec autant de courage ?
Pierre MECHANICK